Archéologues vs détectoristes : le débat en France
Une fois que nous avons cerné la réglementation actuelle et compris en quoi consiste la détection de loisir, une question s’impose : pourquoi ce loisir est-il autant méprisé par “nos sachants” ?
Un rappel important : la Communauté Européenne reconnaît et encourage la libre utilisation des détecteurs de métaux dans un cadre récréatif. De plus, certains élus partagent cette vision, notamment les partisans de l’environnement, qui considèrent ce loisir comme une solution écologique et économique pour nettoyer les sols des pollutions métalliques.
Des économies d’argent public pour le ministère de la Culture
Le ministère de la Culture, responsable de l’archéologie, refuse catégoriquement l’idée d’un Treasure Act à la française. La raison invoquée ? Le risque de légalisation du pillage archéologique.
Cependant, en réalité, les archéologues craignent surtout une diminution des subventions et du nombre d’agents si un tel système voyait le jour.
L’exemple anglais : Depuis la mise en place du Treasure Act en Angleterre, le nombre d’archéologues sur le terrain a chuté de 60 %, permettant au reste de se concentrer pleinement sur les fouilles d’intérêt majeur et l’analyse des données déclarées par les amateurs. Cette information, partagée lors du Détectival annuel anglais de 2019, illustre une collaboration efficace entre amateurs et professionnels.
Résultat : plus de 250 000 détectoristes participent bénévolement à une campagne nationale d’archéologie préventive. Cela a permis une augmentation de 350 % des découvertes archéologiques majeures par rapport à la période précédant cette loi.
Pour le ministère anglais de la Culture et les contribuables, cette approche offre une meilleure compréhension de l’Histoire nationale tout en étant économique et pragmatique.
Une plus grande efficacité dans la prise en compte du potentiel archéologique
Pourtant, il faut tout de même rappeler certaines réalités : il n’existe quasiment plus d’archéologie préventive en France, et ce, depuis plus de 40 ans à cause de coupes budgétaires. En effet, l’archéologie actuelle est une archéologie de sauvegarde. Les archéologues ne pouvant pas être partout, ils doivent donc faire au plus urgent, ce qui est entièrement normale et légitime.
L’archéologie de sauvegarde est le fait de faire intervenir des archéologues sur une zone suite à des travaux de voirie ou de construction immobilière afin d’éviter une destruction ou une possibilité de perdre à jamais ce patrimoine. Ceci a pour effet de retarder les chantiers alors que si un prospecteur était passé là, bien avant les travaux, il aurait pu déclarer sa découverte dans le but de déclencher des fouilles avant le démarrage du chantier.
Une omerta de subsistance pour les prospecteurs de métaux français
Côté Français, nous sommes bien loin du pragmatisme anglais (ou encore belge, car eux aussi ont mis en place un système de Treasure Act légèrement modifié). En France, vous avez le droit d’utiliser un détecteur de métaux, mais vous n’avez pas le droit de détecter dans un site archéologique (ce qui est normal). Cependant, il faut encore être capable de savoir ce qui a été classé comme zone archéologique, et là réside le problème : aucune information n’est rendue publique.
Vous pouvez donc trouver une cible avec un détecteur de métaux, mais si votre cible semble antérieure à 1875, vous êtes obligé de la déclarer. Et c’est là que le bât blesse : mentionner que vous l’avez trouvée avec un détecteur de métaux peut vous exposer à une perquisition et à une forte amende pour “pillage archéologique” (même si la zone où vous prospectiez n’est pas classée comme telle).
Il est impossible, avec un détecteur de métaux, de prévoir la nature ou l’âge d’un objet avant de l’avoir exhumé et identifié. Résultat ? Si vous trouvez une monnaie romaine, par exemple, vous avez tout intérêt à la remettre dans le trou, reboucher, et oublier que vous l’avez trouvée, pour éviter tout problème avec la justice. Voilà la réalité d’un prospecteur de métaux en France.
Une autre réalité importante : pour 10 trous réalisés, un prospecteur trouve 1 objet intéressant (90 % des trouvailles sont donc des déchets). Sur 10 trouvailles intéressantes (majoritairement des monnaies, à 95 %), seule 1 est identifiable, le reste étant sans intérêt historique. Cela signifie qu’en moyenne, seulement 1 % des trouvailles a un potentiel historique pour 100 coups de pelle.
Enfin, il ne faut pas oublier que les objets métalliques (or, argent, cuivre, bronze, fer, etc.) subissent une destruction progressive due au temps, aux produits phytosanitaires et au travail mécanique des charrues agricoles. Ces facteurs les rendent parfois impossibles à identifier à jamais. En Angleterre, un objet trouvé aurait pu être étudié, enregistré dans un mapping national, photographié, et le détectoriste aurait même reçu une tape dans le dos pour sa contribution à l’Histoire. Un contraste frappant avec la réglementation française.
Voici donc tout le paradoxe de la réglementation française sur la détection de loisir.
Les attentes des prospecteurs de métaux sur l’évolution de la réglementation
Bien que cette réglementation existe, elle n’est pas idéale, car elle met en porte-à-faux l’intégrité et le but réel du prospecteur amateur. En effet, si son autorisation est parfaitement claire, son cadre l’est beaucoup moins, laissant ainsi une libre interprétation et un amalgame sur la qualification des détectoristes comme étant des pilleurs de tombes ou des pilleurs archéologiques.
Aujourd’hui, rares sont les prospecteurs qui détectent sur des sites classés, ou s’ils le font, c’est souvent par méconnaissance du classement de la zone. En effet, comme nous venons de le voir, un site archéologique n’est presque jamais identifié comme tel.
Pour y remédier, les prospecteurs souhaiteraient pouvoir continuer à se promener avec leurs détecteurs de métaux pour rechercher des objets ayant été perdus par nos pères, complètement au hasard (car un détecteur seul ne peut pas définir la nature de l’objet avant de l’avoir déterrée) et en profiter pour débarrasser le sol de tous ses constituants métalliques et autres déchets laissé à travers les âges (car la détection, c’est à 85% que de la dépollution métallique). Il ne faut pas croire qu’une monnaie se trouve tous les 4 matins.
Les détectoristes aimeraient pouvoir déclarer leurs trouvailles sans crainte de se faire traiter de pilleurs, afin d’alimenter la connaissance archéologique de notre pays, comme cela se fait dans d’autres pays du nord de l’Europe ou encore en Angleterre, en avance sur ce sujet. C’est ainsi qu’en Angleterre, près de 35 nouveaux sites archéologiques d’envergure ont été découverts en 2022, contre 5 fois moins avant la mise en place de la loi anglaise, le Treasure Act.
Les prospecteurs se sont vu féliciter pour leurs actions envers la Couronne, et les archéologues ont tout le loisir de pouvoir étudier ces découvertes, en ciblant de façon plus précise ces fouilles préventives inestimables. Le tout parfaitement encadré à travers un cadre juridique. Tout le monde y gagne.
Et aujourd’hui, les amateurs de détection français n’attendent que ça ! Une évolution de la loi pour mettre en avant leur temps libre pour retrouver les traces de notre Histoire Française. Espérons que dans un avenir proche, l’État puisse comprendre tout le bénéfice d’une évolution de la réglementation de la détection de loisir et ce qu’il peut apporter à notre patrimoine commun.